avocat maritime lilleLa Directive européenne 2009/20/CE, relative à l’assurance des propriétaires de navires[1], instaure une assurance obligatoire pour tous les navires battant pavillon d’un Etat de l’Union. Cette assurance obligatoire doit, selon ce texte, être une « assurance indemnisation » du type Protecting and Indemnity. Cette Directive va même jusqu’à imposer à tous les navires entrant dans les ports européens une couverture par ces mêmes assureurs. Cette disposition est, bien entendu, applicable en France. Quelles sont les « assurances indemnisations » visées par la Directive ? Qui sont ces assureurs ?

Un transporteur maritime pourrait parfaitement souscrire une police, offrant une couverture de sa responsabilité professionnelle, auprès d’un assureur ordinaire à prime fixe[2]. Mais, en raison des capacités financières nécessaires à une bonne couverture des responsabilités liées au voyage maritime, les transporteurs sont généralement assurés auprès d’une mutuelle spécialisée dans cette activité, appelée Protecting and Indemnity Association ou P&I. Cette forme de mutuelle est expressément mentionné par le Direction 2009/20/CE sous les termes « assurance indemnisation ».

Les Protecting and Indemnity Associations offrent une couverture étendue de la responsabilité contractuelle et délictuelle de leurs sociétaires. Ceux-ci sont couverts en raison d’une perte, d’un dommage, d’une responsabilité ou de dépenses supportées par ces derniers en raison de son engagement financier dans un navire couvert, ou en raison d’événements survenus pendant la période de couverture du navire ou en rapport avec l’utilisation du navire. En d’autres termes, il s’agit d’un contrat d’assurance qui correspond à lui seul aux polices disponibles sur le marché français couvrant la responsabilité contractuelle, la responsabilité délictuelle (vis-à-vis des tiers), la protection juridique et la responsabilité civile du dirigeant. De plus, dans un nombre limité de cas, la responsabilité pénale (contraventions) du sociétaire est également couverte.

Les Protecting and Indemnity Associations sont des mutuelles d’assurance, comme on en trouve en France. Toutefois, contrairement aux mutuelles françaises, les Protecting and Indemnity Associations n’existent pas en tant que structure. Les P&I ne sont que des organes de décisions réunissant les administrateurs. Ces derniers confient la gestion de leur mutuelle à des sociétés créées dans cet unique but. L’encaissement des cotisations, la gestion du réseau de correspondants ou celle de sinistres sont, entre autres, effectués par ces sociétés de gestion présentes dans le monde entier. Chaque P&I a une société de gestion qui lui est propre.

Les différences ne se limitent pas à la seule organisation interne. La disposition qui suscite le plus d’incompréhension est de loin l’articulation des garanties : les conditions générales des P&I imposent aux sociétaires d’indemniser au préalable le tiers lésé. Ce n’est qu’après avoir rempli cette condition préalable, que le sociétaire est en droit d’être remboursé des sommes payées après déduction de la franchise applicable. Pour illustrer cela, nous pouvons examiner à nouveau les Rules du North of England Protecting and Indemnity Association. Dans ses dernières conditions générales en vigueur, ce P&I nous précise à la Règle 20 « c’est une condition préalable au droit d’un sociétaire à être indemnisé … , qu’il ait préalablement acquitté ou payé ». Cette disposition appelée payment first by the Member ou pay first ou pay to be paid clause n’est pas la seule contrainte pesant sur le sociétaire avant toute indemnisation : il y en a d’autres en fonction de la nature des responsabilités engagées.

Les Protecting and Indemnity Associations sont organisées d’une manière originale. Cette conception de l’assurance, strictement mutualiste et indemnitaire, a prouvé son efficacité : les montants indemnisés chaque année par les P&I en attestent. Ces assureurs, autrefois critiqués par l’Union européenne pour leur vision mondiale de l’assurance, sont aujourd’hui investis de la lourde tâche de garantir les créances des transporteurs maritimes liées à leur activité de transport dans toute l’Union européenne. Cette responsabilité est d’autant plus importante qu’il s’agit de couvrir tous les navires touchant les ports européens quel que soit leur pavillon.

Patrick VAN CAUWENBERGHE,

Avocat en droit des transports au Barreau de Lille

[1] Directive 2009/20/CE du Parlement Européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à l’assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes.

[2] Prime fixe, c’est-à-dire sans avoir la possibilité de faire un nouvel appel de cotisation pour le même exercice.